Image d’en-tête du deuxième épisode de l’histoire du petit zèbre

Zèbroscopie

Gentil petit animal à l'école pour zèbres

La première journée de gentil petit animal à l'école pour zèbres fut déroutante.

Une matinée tout entière à écouter une intervenante extatique. Cette dame avait été présentée comme une des plus grandes spécialistes de la savane en matière de zèbrerie.

Trois longues heures, sans pause pipi, elle répéta à ses auditeurs :

  • Combien elle admirait les zèbres
  • Combien les gens aimaient les zèbres
  • Combien ils avaient lieu d'être fiers d'être zèbres et devaient travailler à perfectionner leur zèbrerie.

Cela plongea gentil petit animal dans un abîme de doutes.
Il avait appris tout seul à grimper aux arbres et il parlait bulldog couramment.

Petit zèbre en classe à l’école pour zèbres

Mais qu'est-ce que ça lui avait rapporté ?

D'être accusé de vol par Girafon, moqué par Bluette et mis au fond de la classe par la professeure de bulldog comme s'il était pestiféré.

Une pensée vint lui redonner espoir.

Ses nouveaux petits camarades, en tant que zèbre devaient forcément parler bulldog et adorer grimper aux arbres comme lui. Il allait bien s'amuser.

À l'heure de la récréation il se précipita vers le premier animal qu'il trouva. C'était un quadrupède à sabots. Cela le rassura.

« Do you climb trees ? » lui demanda-t-il gentiment.

Sans daigner lui répondre l'autre se lança dans un monologue :

« Tu sais comment est mort Louis III ? Figure-toi que ce crétin y est passé à 19 ans, le 5 août 882, des suites d’une chute de cheval après avoir poursuivi une jeune fille qu'il voulait se taper. Juste eu le temps de ficher une pile aux Vikings avant de passer le relais à son frère Carloman II ».

Un suricate qui louchait abominablement le tira à part.
« T... t... toi aussi, tu... tu... t'es fait avoir par Chilpéric. M...m... méfie-toi. Il ne s’intéresse qu'à l'histoire. Il ne p... parle que de ça. C.. ça fait un bail que plus personne ne veut l'é... é... écouter ».

Petit zèbre et suricate dans la cour de récréation

Gentil petit animal, trouva le suricate sympathique et lui posa toutes sortes de questions sur l'école pour zèbres.

« Ce que tu peux être bête, lui dit son nouveau copain. Les zèbres ça n'existe pas. Moi par exemple je louche et je suis bègue, un peu dyslexique et dyscalculique aussi. Nous autres suricates devons passer notre vie le nez en l'air. Dès qu'un rapace se pointe, il faut donner l'alerte immédiatement. Avec mes yeux chassieux et ma diction à double détente, l'ancien de ma tribu a décidé que je n'étais bon à rien. Ma dyscalculie était une aubaine pour lui. Il s'en est servi pour me coller une étiquette de zèbre et m'a fourré ici pour se débarrasser de moi ».

Toute l'après-midi, gentil petit animal dut subir une autre intervenante, présentée elle aussi, comme une des plus grande spécialistes de la savane en matière de zébrerie.

Trois heures durant, sans pause pipi, elle répéta à ses auditeurs :

  • Combien c'était triste d'être zèbre.
  • Combien les gens détestaient les zèbres
  • Combien ils devraient déployer d'efforts pour faire oublier leur zébrerie et se fondre dans la masse.

Le soir, en se couchant, gentil petit animal sanglotait à grosses larmes.

Une drôle de voix se fit entendre sous son lit :

« C'est bien ma chance. On m'a encore collé un pleurnichard. Il ne manque plus qu'il fasse pipi au lit et je vais dormir dans une piscine ».

Stupéfait, intrigué, gentil petit animal passa la tête sous le sommier et se trouva face à face avec un gros rat. Un rat coiffé d'un béret, emmitouflé d'un cache-nez rouge et mâchouillant un mégot de cigarette éteint. Il était difficile de lui donner un âge. Aux rides de son visage et à ses yeux délavés, on voyait bien qu'il n'était plus très jeune.
Vexé, gentil petit animal, lui demanda aigrement ce qu'il fichait là.

Petit zèbre et vieux rat sous le lit du dortoir

« Ça fait vingt ans que je vis dans le dortoir de l'école pour zèbres, lui répondit son interlocuteur. C'est le seul endroit au monde où on me fiche la paix et où je peux poursuivre tranquillement la rédaction de mon encyclopédie sur les croûtes de fromage ».

« Vingt ans que vous êtes là ! J'ai tellement de questions à vous poser. Dites-moi d'abord une chose, Monsieur le Rat. Pourquoi nous appelle-t-on zèbres ? Ces animaux sont tous pareils et nous sommes tous différents.

« Petit, c'est parce que tu regardes comme un neurotypique. Tu vois des bêtes avec des rayures et tu en conclus qu'elles sont toutes pareilles.

Observe bien, il n'y a pas un seul zèbre qui porte le même motif qu'un autre.

Exactement comme dans cette école. Chacun est unique, mais pour ceux qui ne sont pas comme nous, nous ressemblons tous ».

« Vous avez dit « nous » Monsieur le rat. Seriez-vous zèbre aussi ».

« Tu poses trop de questions, jeune padawan. J'ai sommeil ! Tu veux une croûte de bleu d'Auvergne pour t'aider à dormir ? »

« Non merci, je me suis déjà lavé les dents »

« Tant pis pour toi. Tu ne sais pas ce que tu rates ! J'espère que tu ne ronfles pas. J'ai horreur des gens qui ronflent. Il n'y a que les imbéciles qui sont affligés de ce défaut ».

Gentil petit animal remit tristement la tête sur son oreiller et ferma les yeux.

Cinq minutes plus tard un sifflement caractéristique retentit sous le lit. Monsieur le rat ronflait comme une toupie.

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Bertrand Krebs
Diplômé en Zèbrologie.

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